## Post original (2012-11-14) ### Le débat sur la régulation du secteur télécom ne doit pas être un sujet tabou ! Le rapport sur les crédits « communication électroniques » que j’ai rédigé a soulevé de nombreuses réactions, parfois virulentes. Ce n’est pas le cas de celle de Monsieur Bazot, Président de l’UFC que choisir, à laquelle je souhaite répondre par des éléments factuels. Tout d’abord, dans son observatoire trimestriel des marchés des communications électroniques en France publié le 26 octobre, l’ARCEP, tout en constatant une augmentation du parc total de 7,4%, note une « accélération de la baisse du revenu des communications téléphoniques mobiles (-10,0% en un an au deuxième trimestre 2012) ». Par ailleurs, de nombreux sous-traitants de la filière rapportent une pression à la baisse des prix d’une ampleur conséquente. Enfin, les besoins d’investissement du secteur demeurent élevés : le président de l’ARCEP estime en effet que les besoins d’investissement que devront assumer les opérateurs s’élèveront pour les années qui viennent à 6 milliards d’euros par an, dont 2 milliards dans les nouveaux réseaux (fibre optique et 4G) et 4 milliards pour l’entretien des réseaux existants. La question est donc de savoir si les acteurs français seront en capacité de faire face à ces nécessités. Ce constat qui semblait malheureusement prévisible abonde dans le sens de la principale recommandation de mon rapport : s’interroger sur les objectifs de régulation du secteur des télécoms en France et ouvrir un débat constructif sur ce sujet. Je constate malheureusement que le débat et ceux qui le portent, parfois bruyamment, se contentent de prendre la défense d’un opérateur, sans jamais raisonner en termes de filière. C’est leur droit, mais je m’étonne que les mêmes n’aient pas été plus prompts à réagir lorsque le 23 mars dernier le président de l’ARCEP Jean-Ludovic Silicani évoquait lors d’une conférence de presse la suppression possible de 10 000 emplois dans le secteur. Cette indifférence au sort des salariés me heurte profondément. Députée, je demeure fortement connectée à la réalité économique et sociale des territoires : je reçois très souvent des salariés préoccupés et j’ai eu à suivre la mise en place de plusieurs plans de revitalisation dans des bassins d’emplois déjà fragilisés ; parallèlement, j’échange régulièrement avec des créateurs d’entreprises et m’investis fortement dans l’émergence d’éco-systèmes favorables à la création d’emplois et à l’innovation (technopole, pôle de compétitivité, IRT…) et à l’émergence d’une véritable politique de filière profitable à l’ensemble des acteurs, petits et grands. Depuis mon premier mandat, je défends avec constance les mêmes positions, persuadée que l’on peut et que l’on doit favoriser un modèle économique équilibré entre l’intérêt du consommateur et le développement d’une filière, en matière d’emploi, d’investissement et d’innovation. Je tiens d’ailleurs à préciser aux nombreux internautes qui, sur les réseaux sociaux, sur mon blog, ou encore par mail, m’adressent des remarques virulentes et parfois très misogynes quant à ma supposée incompétence, qu’une rapide recherche sur internet leur permettrait pourtant de se faire une idée plus objective. Je leur rappelle que j’ai ainsi défendu l’interdiction de l’usage du terme illimité pour les offres de télécommunications présentant des restrictions d’usage. Au nom de la liberté de d’expression et de communication, j’ai vigoureusement combattu la loi HADOPI mais aussi la multiplication des procédures de blocage et de filtrage de l’internet (le rapport sur la neutralité du net que j’ai rédigé avec Laure de la Raudière est facilement disponible). Je m’engage également en faveur du déploiement homogène et équilibré, sur tout le territoire, des nouveaux réseaux de communications électroniques, à Très Haut Débit, fixes en fibre optique et mobiles, au bénéfice de tous les citoyens, mais aussi des entreprises, petites et moyennes pour qui le numérique est à la fois une chance et une nécessité. L’afflux de réactions mais surtout leur teneur et leur caractère passionnel confirment qu’une communauté de fervents utilisateurs considère comme illégitimes les opinions et analyses d’une élue de la Nation. Ce n’est pas ma conception du débat démocratique. Il semble toujours difficile d’émettre une opinion touchant de près ou de loin au quatrième opérateur. Son ambition constante de « révolutionner » le secteur a effectivement des impacts bénéfiques en termes d’innovation et de pouvoir d’achat. Mais il est tout aussi indéniable que le changement de modèle économique initié impacte toute la filière (et pas seulement les opérateurs !). Mon rapport, je le répète, avait donc pour intention de lancer le débat sur le lien entre régulation et emploi. C’est pour cette raison que seules les personnes détenant une vision et des chiffres sur la question (experts, syndicats et opérateurs) ont été entendus. Je souhaite bien entendu poursuivre ce travail avec mes collègues de la Commission des Affaires Economiques. Pour conclure, je réfute l’accusation ridicule selon laquelle je serais favorable au maintien de prix trop élevés. Je pense simplement que le juste prix doit permettre non seulement la satisfaction du consommateur, mais également le maintien d’un haut niveau d’emploi et d’investissement dans toute la filière. Fermer les yeux sur les problématiques de la filière numérique dans notre pays, c’est l’empêcher de s’appuyer sur un atout économique majeur pour les années à venir. L’ambition que je porte nécessite en effet d’embrasser une vision large qui ne peut se limiter qu’aux seuls aspects consommation, certes importants pour tous les Français, mais qui ne justifient pas de négliger la problématique de l’emploi. Le gouvernement a annoncé son intention de relancer notre économie, à travers notamment le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, et de rétablir la compétitivité des entreprises françaises en adoptant plus de hauteur de vue et en prenant en considération l’ensemble des filières et leurs enjeux. ## Réponse ### Contexte Ceci est une réponse à http://www.corinne-erhel.fr/blog/page.php?Id=169 - le système de commentaires n'arrivant visiblement pas à la digérer lorsqu'elle est passée en paramètre (!!) à un certain processfile5.php ;) ### Texte Bonjour, personnellement je ne mets absolument pas en doute votre compétence. Par contre, je ne suis pas d'accord avec votre vision du marché. D'abord, les grands opérateurs n'ont pas de problèmes financiers les empêchant de réinvestir, loin de là. Sinon, comment expliquer qu'Orange [distribue de tels dividendes](http://www.orange.com/fr/finance/action-et-capital/dividende) ? L'action Orange ressemble fort à une sorte de plan d'épargne. Évidemment, l'État, actionnaire majoritaire, a tout intérêt à ce que cela perdure puisqu'il récupère une bonne partie de ces dividendes sous forme d'impôts. Ensuite, on critique les investissements R&D de Free. C'est vrai, si on compare Free et Orange, Free investit peu, de l'ordre de 7 M€ par an, alors que *rien que la nouvelle Livebox* aurait coûté 120M€ en R&D. Mais attendez... Quelle box a été plesbiscitée ces dernières années ? La Freebox Révolution ! Disons pour être gentil que ces box sont équivalentes. Conclusion : Free fait aussi bien qu'Orange pour 20 fois moins cher. Ça, ça s'appelle l'efficacité. Et c'est là que votre article me choque, car sa réthorique est, en clair : "une entreprise efficace fait vivre moins d'employés et de sous-traitants, donc c'est mal". C'est le même genre de logique qui pousse à rejeter l'utilisation de robots dans les usines, par exemple. Résultat : la France ne sait plus produire, ni avec des robots, ni avec des ouvriers. (Bon, j'avoue, il y a bien une autre raison : la politique "sans usines" d'un certain Serge Tchuruk, ancien PDG... d'Alcatel !) Que diriez-vous d'embaucher des milliers de personnes, de leur faire casser des caillous pour rien et de payer leurs salaires avec de l'argent public ? C'est peu ou prou aussi absurde que votre "régulation". Oui, à court terme, un emploi rendu inutile par une amélioration de l'efficacité disparait, c'est certain. Pour autant faut-il revenir à la bonne vieille époque où l'agriculture était si inefficace qu'elle employait une majorité de la population ? Ça se débat, mais alors posez clairement le problème en ces termes. Pour ma part, je serai résolument dans le camp du progrès, jamais dans celui de l'inefficacité artificielle. ### Bonus Pour ceux qui suivent, ce que fait Free est une [forme de disruption](http://redeye.firstround.com/2006/04/shrink_a_market.html) (lisez The Innovator's Dilemma si ce genre de chose vous intéresse). Ce pourrait être un préalable à une expansion internationale (attendue avec impatience par certains à l'étranger) si l'État ne s'évertuait pas à empêcher la croissance d'une des entreprises françaises au plus fort potentiel. Il n'est donc même pas certain qu'à moyen terme l'impact sur l'emploi soit négatif. Pensez à Amazon, ça y ressemble assez : vous voulez que le prochain Amazon soit français ou étranger ? C'est à cette question que doivent répondre ceux qui nous dirigent, et vite. Sinon, en guise de "redressement productif", nous aurons droit à une magnifique dégringolade.